Édition 2016

João Pina

Opération Condor

N'OUBLIONS PAS
Après avoir réalisé les portraits de 25 anciens prisonniers politiques portugais, le photographe João Pina a entamé en 2005 un travail de recherche portant sur l’opération Condor, un plan militaire secret initié en 1975, durant la guerre froide, par six pays latino-américains : le Brésil, l’Argentine, la Bolivie, le Chili, l’Uruguay et le Paraguay. Aux mains de dictatures militaires de droite, les gouvernements de ces pays entendaient éliminer opposants et détracteurs politiques, qualifiés de « menace communiste » et d’« éléments subversifs ». Ces personnes étaient arrêtées, torturées et assassinées. Beaucoup d’entre elles restent à ce jour « disparues », leurs familles dévastées et nous, qui vivons aujourd’hui, sommes aussi les victimes de tels crimes. Leur absence ne hante pas seulement ceux « de l’autre côté » : nous ne pouvons pas rester indiff érents à un tel passé, comme s’il ne faisait pas partie de notre réalité et de notre futur, « comme si il n’y avait jamais eu de génocide, de massacres, de disparitions forcées, d’oubli imposé par la loi via  des amnisties, des remises de peines ou des grâces prononcées au prétexte de garantir la stabilité politique quand, en réalité, c’était bien l’impunité qui était recherchée » (Baltasar Garzón Real, Condor, éditions du Sous-Sol, 2016). 

Il aura fallu près d’une décennie à João Pina pour achever Opération Condor. Comme un oeil, son appareil photo observe les effets causés par une si longue période de dictature sur notre société, sur les survivants et les familles qui doivent vivre avec de profonds traumas – depuis les formes les plus aiguës de la dépression à la paranoïa, en passant par des problèmes de santé mentale qui ont transformé les vies de plusieurs générations. Toutes les photographies rassemblées ici agissent comme un cri figé dans le temps : portraits chargés de silence et de souvenirs, de mères qui n’ont jamais vu leurs enfants rentrer à la maison ; d’anciens prisonniers politiques qui ne cessent de contempler les cicatrices laissées par les camps de concentration ; de survivants mutilés par les grenades qui piègent la région de l’Araguaia ; images figées de centres de torture où s’amoncelle aujourd’hui la poussière ; ou encore celle, sinistre, d’un aéronef utilisé par l’armée argentine pour jeter les militants de gauche dans le Río de la Plata ou l’Atlantique, et qui est aujourd’hui utilisé comme « objet publicitaire » par une entreprise de bâtiment aux abords de Buenos Aires. C’est bien face à notre propre histoire que nous nous trouvons ici. Et nous ne pouvons échapper à la question de savoir quelle sorte de justice nous voulons désormais.

Diógenes Moura

Traduction des légendes en français : Luciana Orgando, avec l’aimable autorisation des éditions du Sous-sol.
Publication : Condor, éditions du Sous-sol, 2016.

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