Édition 2016

Lauréat du Photo Folio Review 2015

Piero Martinello

Radicalia

Je suis une force du Passé. Tout mon amour va à la tradition. Je viens des ruines, des églises, des retables d’autel, des villages oubliés des Apennins et des Préalpes, où mes frères ont vécu. J’erre sur la Tuscolana comme un fou, sur l’Appia comme un chien sans maître.
Pier Paolo Pasolini, Poesia in forma di rosa, Garzanti, Milan, 1964.

Piero Martinello a voyagé dans toute l’Italie à la recherche de femmes et d’hommes qui, chacun à leur manière et pour différentes raisons, ont choisi d’embrasser des choix de vie radicaux. Fous, raveurs, criminels ou nonnes pieuses et cloîtrées… : ce sont les parias, les hors-la-loi ou plus simplement les outsiders  qui habitent les marges de notre société. Tous viennent à la vie dans Radicalia, un concept album conçu comme une mosaïque de généalogies familiales, le tout constituant un livre de cinq chapitres. Ici, le médium photographique apparaît soit sous sa forme la plus pure, soit greff é à des objets de l’iconographie vernaculaire (par exemple, des clichés de passeports, des images pieuses ou des photos d’identité judiciaire).

Assemblage anthropologique de personnages et de traits de personnalité, Radicalia n’est pas sans faire écho aux « Derniers des hommes », d’August Sander, le portfolio tiré des Hommes du XXe siècle. Tout comme les individus que ce dernier met en scène, Radicalia est excentrique et ne fait aucun compromis. Par-dessus tout, il véhicule une authenticité brute et une familiarité qui témoignent de nos racines collectives ancestrales. Sa typologie met en oeuvre, via le folklore italien, une parade d’individus et d’anecdotes sur la relation malsaine qu’entretiennent la pensée doctrinaire, l’écart à la norme et le stigmate. Il y a quelque chose de l’extase dans l’expression de ces hérétiques – une force motrice d’authentique dévotion, de passion et de subversion qui émane d’un autre monde. Leurs portraits deviennent les reliques d’un passé aussi bien sacré que profane sur le point de disparaître. Au sein des subjectivités massifiées et homogénéisées de notre époque, les réactionnaires d’aujourd’hui ont bien peu de marges de manoeuvre. Peut-être ne peuvent-ils que rester confinés dans le royaume inaccessible de leur esprit. Car quand il s’agit d’être photographié, il n’existe pas de retour en arrière. Par défi nition, la photographie dévoile le caractère « photogénique » d’un visage – un visage qui n’a d’autre choix que d’être naturalisé au sein d’un système déterminé de représentations stéréotypées. Dès que le cliché est pris, la beauté sauvage des sujets de Martinello est canonisée en tant que produit dérivé d’une mythologie visuelle insatiable destinée à éradiquer et en même temps à perpétuer les modèles directeurs de notre conscience collective. C’est là l’amer oxymore que Radicalia met en oeuvre : l’extinction littérale des « derniers des hommes » d’August Sander.

Natasha Christia

Avec le soutien de YellowKorner.

Ce projet a été rendu possible grâce à la bourse LUZ attribuée par l’agence photographique LUZ à Piero Martinello en novembre 2012.
Direction artistique : Lorenzo Fanton.
Contributions visuelles d’Enrica Casentini, Alberto Gobber, Luca Zamoc, Patrick Waterhouse, Ramon Pez et Alberto Sola.
Tirages réalisés par Fineart Connection, Castelfranco, Italie.
Encadrements réalisés par Genoveso Cornici, Schio.

  • Partenaires institutionnels

    • République Française
    • Région Provence Alpes Côté d'Azur
    • Département des Bouches du Rhône
    • Arles
    • Le Centre des monuments nationaux est heureux de soutenir les Rencontres de la Photographie d’Arles en accueillant des expositions dans l’abbaye de Montmajour
  • Grands partenaires

    • Fondation LUMA
    • BMW
    • SNCF
    • Kering
  • Partenaires médias

    • Arte
    • Lci
    • Konbini
    • Le Point
    • Madame Figaro
    • France Culture