Édition 2010

Shoot! La photographie existentielle

Dans les années qui suivirent la Première Guerre mondiale, une curieuse attraction apparut dans les fêtes foraines et les Luna Park : le tir photographique. Lorsque le tireur touchait la cible en son centre, il déclenchait un appareil photographique qui, instantanément, le prenait en pleine action. Plutôt qu’un cornet de pralines, un ballon de baudruche, ou un ours en peluche, il gagnait alors son propre portrait en train de tirer. La valeur hautement métaphorique du tir photographique n’échappera à personne. Le dispositif repose sur un étrange face-à-face entre le tir et la photographie, deux pratiques gémellaires comme en témoigne leur communauté de vocabulaire : shooter, viser, recharger, etc. Dans ce duel à mort naît pourtant une image. En regardant après coup son portrait, le tireur se trouve à son tour mis en joue. C’est sur lui-même qu’il fait désormais feu. Il est probable que les concepteurs du tir photographique aient d’ailleurs parié sur le désir de leurs clients de se faire un carton dans leur ego, par image interposée. Tentation du duel avec soi-même, émoi de devenir son propre exécuteur, vertige de l’autodestruction... juste pour voir. Les différents portraits de Jean-Paul Sartre au tir photographique laissent supposer que l’auteur de l’Être et le néant n’était pas insensible à cette forme de distraction. Et pour cause : le dispositif n’offrait-il pas l’étonnante possibilité de s’incarner photographiquement tout en s’anéantissant symboliquement, c’est-à-dire une forme éminemment existentielle de la photographie ?
Shoot ! La photographie existentielle retrace l’histoire du tir photographique dans son utilisation populaire, comme dans son appropriation par les artistes. L’exposition réunit quelques-uns des plus beaux spécimens de tirs photographiques provenant de plusieurs collections privées. Erik Kessels présente l’extraordinaire série de portraits de Ria Van Dyke qui, depuis 1936, se photographie régulièrement dans un stand de tir. Outre le portrait de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir, l’exposition propose également les tirs photographiques de Paul Éluard, Jean Cocteau, Federico Fellini, François Truffaut, Robert Delpire, Gilles Deleuze, Juliette Gréco mais aussi de quelques-uns des grands photographes du xxe siècle : Man Ray et Lee Miller, Henri Cartier-Bresson, Brassaï ou Robert Frank. Depuis quelques années, de jeunes artistes comme Sylvia Ballhause ou Émilie Pitoiset sont fascinés par ce dispositif pour l’inquiétante relation spatiale et quasi sculpturale qu’il instaure entre le tireur, l’image-cible et le regardeur. D’autres, comme Christian Marclay, Oscar Bony, Patrick Zachmann, ou Agnès Geoffray s’intéressent d’avantage à la violence du geste : faire ou voir une image, c’est toujours risquer d’entrer dans la ligne de mire. Tous s’inscrivent dans une tradition où le coup de feu crée l’œuvre, inaugurée au début des années 1960 par Niki de Saint Phalle et perpétuée aujourd’hui par Jean-François Lecourt ou Rudolf Steiner. L’exposition s’achève sur la reconstitution d’un authentique stand de tir photographique où le visiteur pourra, lui-même, goûter à l’étrange plaisir de se tirer le portrait.
Clément Chéroux, commissaire de l’exposition.
Dans les années qui suivirent la Première Guerre mondiale, une curieuse attraction apparut dans les fêtes foraines et les Luna Park : le tir photographique. Lorsque le tireur touchait la cible en son centre, il déclenchait un appareil photographique qui, instantanément, le prenait en pleine action. Plutôt qu’un cornet de pralines, un ballon de baudruche, ou un ours en peluche, il gagnait alors son propre portrait en train de tirer. La valeur hautement métaphorique du tir photographique n’échappera à personne. Le dispositif repose sur un étrange face-à-face entre le tir et la photographie, deux pratiques gémellaires comme en témoigne leur communauté de vocabulaire : shooter, viser, recharger, etc. Dans ce duel à mort naît pourtant une image. En regardant après coup son portrait, le tireur se trouve à son tour mis en joue. C’est sur lui-même qu’il fait désormais feu. Il est probable que les concepteurs du tir photographique aient d’ailleurs parié sur le désir de leurs clients de se faire un carton dans leur ego, par image interposée. Tentation du duel avec soi-même, émoi de devenir son propre exécuteur, vertige de l’autodestruction... juste pour voir. Les différents portraits de Jean-Paul Sartre au tir photographique laissent supposer que l’auteur de l’Être et le néant n’était pas insensible à cette forme de distraction. Et pour cause : le dispositif n’offrait-il pas l’étonnante possibilité de s’incarner photographiquement tout en s’anéantissant symboliquement, c’est-à-dire une forme éminemment existentielle de la photographie ?Shoot ! La photographie existentielle retrace l’histoire du tir photographique dans son utilisation populaire, comme dans son appropriation par les artistes. L’exposition réunit quelques-uns des plus beaux spécimens de tirs photographiques provenant de plusieurs collections privées. Erik Kessels présente l’extraordinaire série de portraits de Ria Van Dyke qui, depuis 1936, se photographie régulièrement dans un stand de tir. Outre le portrait de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir, l’exposition propose également les tirs photographiques de Paul Éluard, Jean Cocteau, Federico Fellini, François Truffaut, Robert Delpire, Gilles Deleuze, Juliette Gréco mais aussi de quelques-uns des grands photographes du xxe siècle : Man Ray et Lee Miller, Henri Cartier-Bresson, Brassaï ou Robert Frank. Depuis quelques années, de jeunes artistes comme Sylvia Ballhause ou Émilie Pitoiset sont fascinés par ce dispositif pour l’inquiétante relation spatiale et quasi sculpturale qu’il instaure entre le tireur, l’image-cible et le regardeur. D’autres, comme Christian Marclay, Oscar Bony, Patrick Zachmann, ou Agnès Geoffray s’intéressent d’avantage à la violence du geste : faire ou voir une image, c’est toujours risquer d’entrer dans la ligne de mire. Tous s’inscrivent dans une tradition où le coup de feu crée l’œuvre, inaugurée au début des années 1960 par Niki de Saint Phalle et perpétuée aujourd’hui par Jean-François Lecourt ou Rudolf Steiner. L’exposition s’achève sur la reconstitution d’un authentique stand de tir photographique où le visiteur pourra, lui-même, goûter à l’étrange plaisir de se tirer le portrait.

Clément Chéroux, commissaire de l’exposition.

Exposition réalisée en collaboration avec le Museum für Photographie, Braunschweig, Allemagne où elle sera présentée du 7 octobre au 14 novembre 2010.
Encadrements en partie réalisés par Circad.
Projection réalisée par Olivier Koechlin et Valéry Faidherbe.
Exposition présentée à l’Atelier de Maintenance, Parc des Ateliers
Exposition réalisée en collaboration avec le Museum für Photographie, Braunschweig, Allemagne où elle sera présentée du 7 octobre au 14 novembre 2010.
Encadrements en partie réalisés par Circad.
Projection réalisée par Olivier Koechlin et Valéry Faidherbe.
Exposition présentée à l’Atelier de Maintenance, Parc des Ateliers

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