Forte de ses racines africaines, indiennes, jamaïcaines et trinidadiennes, l’artiste Samantha Box, basée aux États-Unis, se sent chez elle au sein de la diaspora. Consciente de la tendance répandue à idéaliser la terre natale, elle brise le mythe du récit des origines, pour s’autoriser à exister dans la multiplicité.

Dans Constructions, Box élabore des tableaux et des natures mortes à partir d’objets de famille chargés d’une mémoire culturelle. Des plantes caribéennes « étrangères » aux États-Unis, symboles des populations immigrées, poussent sous des lumières artificielles, adoptant des stratégies essentielles pour survivre en terre inconnue. Des autocollants, comme ceux que l’on trouve sur les fruits, et des tickets de caisse sont incrustés dans l’image, soulignant l’obsession de la société capitaliste pour la marchandisation de l’identité. Des images d’archives de travailleurs asservis évoquent le passé colonial des Caraïbes, tandis que des photos de famille revendiquent une histoire alternative, émancipée. Box expose délibérément les artifices du studio pour souligner le rôle historique de ce dernier dans la consolidation de l’image d’Épinal du paradis colonial exotique caribéen.

Dans Cartes de mémorisation [Flashcards], les catégories héritées de l’époque coloniale se heurtent aux systèmes de connaissance traditionnels lorsque l’artiste apprend les noms vernaculaires des fruits et des légumes caribéens, en répétant les mots prononcés par sa mère. La différence entre les accents révèle les transformations opérées par la migration et l’homogénéisation des cultures appelée par l’économie mondialisée.

Rêves caribéens [Caribbean Dreams] est la rencontre de la photographie pixelisée et du vernaculaire, au croisement de plusieurs temporalités. Dans un acte de puissance, l’œuvre reprend possession de la canne à sucre, qui incarnait jadis la soif de prospérité et l’exploitation. Les représentations coloniales – photographies ethnographiques et natures mortes hollandaises – sont ainsi détournées. À travers l’autoportrait, Box anime le sujet Noir précédemment privé de ses droits, tout en subvertissant les images et les histoires d’archives dictées par le regard colonialiste.

Tanvi Mishra