Ibrahim Ahmed et Lina Geoushy explorent les liens entre l’image et les incarnations de genre, en prenant pour sujets les archives personnelles ou collectives. À travers des autoportraits, les artistes proposent de nouvelles représentations correspondant davantage à leur conception de leurs positions genrées respectives.

Ahmed interroge sa relation à la masculinité et la façon dont celle-ci s’inscrit dans son corps. En studio, il incarne des stéréotypes genrés, menant une réflexion sur les normes sociales rigides dont les hommes héritent de génération en génération. Au moyen de collages, il crée des ruptures qui visent à déconstruire les archétypes masculins répandus, ainsi que les notions de beauté et de pouvoir. Il examine son album de famille, trouvant un miroir dans les gestes et les démonstrations de masculinité de son père. En recherchant ses propres liens avec ces racines, Ahmed initie un dialogue cathartique avec le patriarche de sa famille. À mesure que ses autoportraits s’incorporent aux photographies de son géniteur, il met en évidence la fracture intérieure et trouve une résonance avec un homme autrefois distant. À travers ce regard intimiste, Ahmed tente de faire résonner sa propre expérience avec les attributs universels de la masculinité.

Lina Geoushy explore l’histoire féministe égyptienne. Enfant, elle est profondément marquée par les films des années 1940 à 1960, âge d’or du cinéma en Egypte où les actrices incarnent des personnages puissants. Ces représentations créent un fort contraste avec la réalité conservatrice des femmes qu’elle côtoie. Face à cette dissonance, Geoushy constitue une archive mue par une démarche féministe. Elle met en scène son propre corps pour donner à voir différents visages de pionnières souvent oubliées dans le récit dominant et livre de multiples lectures de la libération des femmes.

Les artistes étudient les liens entre photographie et iconographie : l’un démantèle des notions répandues, tandis que l’autre construit de nouvelles articulations. En interrogeant les histoires intimes et collectives, les travaux d’Ahmed et de Geoushy entrent en dialogue pour se réapproprier le récit du genre dans la société égyptienne.

Tanvi Mishra