En 1969, alors âgée d’à peine 9 ans, la mère de Soumya Sankar Bose disparait en allant faire des courses à la confiserie du quartier pour préparer une offrande religieuse. On ne la retrouvera que trois ans plus tard.

En tentant de reconstituer l’incident lié à cette disparition, Soumya Sankar Bose examine la mémoire et sa nature changeante dans Discrète évasion dans les ténèbres [A Discreet Exit through the Darkness]. Atteinte de prosopagnosie, un trouble qui l’empêche de reconnaître les visages de ses ravisseurs, la victime ne conserve aucun souvenir de cet épisode. L’artiste tente donc de reconstituer le passé en s’appuyant sur la mémoire collective de ses proches. Ce processus le confronte sans cesse à des témoignages contradictoires et révèle les traumas d’un incident qui a laissé une profonde cicatrice dans le vécu familial. Faute d’un souvenir cohérent, l’histoire de la disparition de sa mère s’inscrit dans l’univers du fantastique et se voit colorée d’une touche de folklore et de superstition.

Évoluant aux limites de la fiction en recréant des compositions inspirées d’événements réels, la pratique de Bose exploite le rapport complexe que la photographie entretient avec la mémoire et la vérité. Ses travaux jouent sur le potentiel spéculatif de l’image pour tenter d’explorer les différents scénarios relatifs à cet enlèvement, dans le contexte des émeutes qui eurent lieu à la même époque, en 1971, quelque temps avant la partition du Bengale. Le grand-père de l’artiste, qui dirigeait les recherches pour retrouver sa fille, mourut un an avant que ses efforts aboutissent.

Accompagnée d’une lecture du journal fictif de ce dernier, l’œuvre de Bose nous embarque dans le périple de cette quête, sur les traces de sa mère et du récit singulier qui échappe à cette famille frappée par une perte irréparable.

Tanvi Mishra