Édition 2009

présenté par ALAIN DESVERGNES

LAURENT MILLET

Les Tempestaires

Fermée le 13 septembre 2009
Paul Éluard parlait des moments de la vie comme des «instants échappés aux processus du temps », Octavio Paz répondait «l’instant est inhabitable comme le futur». Ce va-et-vient dérangeant entre passé et présent est à la source de l’attachement de Laurent Millet pour des paysages qu’il passe son temps à reconstruire. S’agit-il de Terres natales comme pour Raymond Depardon? Ou, comme ceux qui recherchent La Possibilité d’une île, s’agit-il d’une recherche de Terres promises? Il s’agit plutôt d’une quête de Terres-promesses telles que devinées par ce peintre du XVIIIe siècle qui promenait son «miroir de Claude» sur les chemins pour les voir autrement. «C’est ainsi que nous voyons le monde», disait Magritte, «une peinture se superpose au paysage qu’elle représente de sorte qu’on ne fasse plus la différence.» Simon Schama ajoute: «sous les conventions qui bornent la vue, il s’agit de mettre au jour la veine du mythe et de la mémoire». Nuri Bilge Ceylan tourne ses films comme des lettres qu’il envoie dans l’obscurité. Les photographies et les films de Laurent Millet sont des lettres qu’il envoie contre les vitres qui le séparent des nuages. Son goût pour la matérialité fait de lui un photographe étymologique. Les phrases qu’il invente donnent accès aux chemins de traverse qu’il franchit à tout bout de champ. Sa modernité s’éclate comme les poutres qui frappent l’eau sans écouter leur bruit. C’est ainsi qu’il fendille Les Temps. Les temps de la réalité et les temps de l’imaginaire. Le jeu des forces qui se déplacent en contre-champ du jeu des mouvements sans remettre en cause la royale indifférence de la nature. Il aime ces temps qui permettent d’aller sous la peau des nuages, sous la brillance des bulles. La traque de ces dernières peut paraître bien illusoire à celui qui ne voit pas qu’elles rythment le vertige. C’est parce qu’il est en résonance avec les temps que Laurent Millet est en résonance avec le vide qu’il entrevoit en prenant de la hauteur au-dessus des marais que hantent ses Tempestaires. Il cherche à faire sortir l’eau de son mutisme afin d’écouter-voir si l’écume lui répond. Mallarmé disait que sainte Cécile était la musicienne du silence.
Laurent Millet écoute en silence les paysages qui lui parlent.
 Alain Desvergnes
 
LES TEMPESTAIRES
Les sorciers se réunissent encore sur le bord des étangs pour la fabrication des orages. Cette formation du mauvais temps se fait plus spécialement la nuit : armés de longues perches ou d’énormes pelles de bois, les grêleux battent vigoureusement et en cadence la surface liquide, la font jaillir dans l’air à plus de 30 pieds. Bientôt, sous l’action frénétique de leurs bras, l’eau s’élance en sifflant dans les airs, ses parties les plus ténues se volatilisent, gagnent les hautes régions de l’atmosphère, s’y assemblent, s’y condensent. Quand paraît le jour, la nuée est enfantée.
D’après Paul Sébillot, Folklore de France
 
Esprit, as-tu exécuté de point en point la tempête que je t'ai commandée ?
William Shakespeare, La Tempête
 
Les gouttes se pulvérisent, se rassemblent et forment des images dans le ciel selon des ordres merveilleux. Les sorciers décrits dans ce texte sont des « fabricateurs » d’orages mais aussi d’images : ils nous font croire qu’ils sont autant les maîtres des intempéries que des figures du ciel, toutes issues de la profondeur d’une eau dont la pénombre, la nuit aidant, communique aisément avec celle de l’air. Les images voyagent dans l’obscurité des eaux, ouvrent la surface sous le coup de la colère, s’éparpillent dans l’air, ordonnent enfin leurs gouttes selon le bon vouloir de celui qui sait les regarder. Née dans cet oeil du paysage qu’est l’étang, l’image demeure liquide et obéissante comme lui aux mêmes règles physiques du mouvement de l’eau, aux lois qui conduisent à la formation des nuages, à leur déplacement, à leur rassemblement. Je rêve d’une photographie optique et météorologique, d’une image dont le corps ne serait pas moins un phénomène que la grêle, la lumière bleutée des éclairs, les entrelacs de la mousse entre les rochers durant la tempête. Je rêve d’une image au corps d’argent et de pluie, qui commencerait d’être un peu ce qu’elle représente.
 Laurent Millet

  1. www.laurent-millet.com

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