Monique Deregibus

La Maison Chypre

Chacune des séries photographiques de Monique Deregibus, héritière d’une histoire du paysage conceptuel, est consacrée à des territoires spécifiques, tantôt proches ou lointains, manifestant toujours un fort intérêt pour les réminiscences inconscientes contenues dans le plan ainsi que pour les notions d’architecture et de territoire
urbain. Ces espaces la plupart du temps consignés dans un travail éditorial, peuvent se lire comme formant le décor abandonné des tragédies humaines.

L’exposition La maison Chypre présente, à l’occasion de la sortie du livre éponyme, une version fac-similé de celui-ci, tel un ouvrage indéfiniment voué à sa propre reproductibilité. Au coeur de la répétition arrive la question de la découverte archéologique. Centrale dans le livre, à travers la présence blafarde de ces ossements que l'on exhume du passé, la recherche archéologique est apparue comme un point paradigmatique de l'histoire de l'île
de Chypre, en miroir avec Pompéi et sa lente coulée de lave, et par extension avec tous les lieux de charniers du monde.

La première photographie du livre entre en porte-à-faux avec la loi et sa présence témoigne de l'interdit et de la confiscation quasi généralisée sur l'île. Il s'est agi de mettre à nu un dispositif de captation à travers lequel percevoir demeure toujours un acte voilé, interstitiel et lacunaire. Car le cadre de la photographie est étroit et limité, il étreint l'image, annulant du même coup un ensemble de formes et de causes dialectiques. Ainsi on ne cesse de regarder à travers, à travers des murs, des grilles, des meurtrières, des barbelés, on regarde en même temps que l'inertie des images l'impossibilité photographique de narrer l'Histoire. Et pourtant, le livre existe dans le fouillis des branches enchevêtrées, dans l'entropie de la nature qui force les portes, éventre les murs en un déferlement d'herbes et de cactées qui se multiplient sans cesse. Ici, l'absurdité de la guerre a bien eu lieu, mais il y a longtemps.

Elle a passé emportant dans son sillon le moindre souffle de vie, laissant les hommes aux prises avec une situation kafkaïenne de mur et de division.

1974 : l'image rend compte désormais d'un espace impossible à réveiller, caramélisé et insonore, c'est l'espace d'après et qui dure jusqu'à aujourd'hui. Seul peut-être l'enfant de dos en tee-shirt orange nous représente. Ses mains sont élégantes, voraces et nerveuses sur le clavier de l'ordinateur. L'enfant dont le corps est tendu demeure seul devant la lumière de l'écran. Il joue à la guerre par machine interposée. Nous le regardons à son insu, de dos, concentré, et à travers lui nous regardons l'écran et son image.

C'est ainsi désormais que l'on apprend à faire la guerre.

Commissaire de l'exposition : Pascal Neveux
Tirages réalisés par le laboratoire Photon, Toulouse.
Encadrements et wallpaper réalisés par l’Atelier SHL
La maison Chypre, 2009-2013 est le troisième livre de Monique Deregibus réalisé en collaboration avec les éditions Filigranes, Paris.

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