Du milieu des années 1950 à la fin des années 1960, un réseau clandestin de travestis trouve refuge dans la région des Catskills, dans l’État de New York. Susanna et sa femme Marie y tiennent deux modestes maisons d’hôtes, véritables havres de paix pour les hommes qui désirent se travestir librement en femmes à une époque où les rôles de genre sont clairement délimités. Les hôtes utilisent la photographie comme moyen de construire leur identité de femme et de se constituer en réseau. Candides, enjoués, parfois mis en scène, mêlant les conventions des photos de famille et des shootings de mode, ces clichés sont aujourd’hui connus sous le nom de photographies de la Casa Susanna.

Casa Susanna rassemble pour la première fois trois lots de photographies réalisées par ce réseau de travestis : le premier provient des fonds de l’AGO, le second est issu de la collection personnelle de l’artiste Cindy Sherman et le dernier est tirée de la collection de Betsy Wollheim. Présentées ensemble, ces 250 images livrent un aperçu de cette scène du travestisme qui a joué un rôle essentiel dans l’histoire. Elles nous apportent un éclairage sur cet univers, ainsi que sur ses liens avec les existences trans et travesties d’aujourd’hui. Ces clichés à la dimension affirmative circulaient au sein du réseau par courrier et dans les pages de Transvestia, un magazine amateur, dont certains exemplaires sont également présentés.

L’exposition est accompagnée d’une publication illustrée qui réunit des articles de recherche récents, une large sélection d’images et des pages issues de Transvestia. Cet ouvrage constitue un nouveau témoignage essentiel sur le rôle de la photographie dans la construction des communautés queer. Coédité par les Éditions Textuel, il contient notamment des contributions des commissaires Isabelle Bonnet, historienne de l’art française, et Sophie Hackett, commissaire du département de photographie de l’AGO, ainsi que de l’éminente chercheuse américaine spécialiste de l’histoire trans, Susan Stryker.