PROGRAMME 2019
HAPPY BIRTHDAY LES RENCONTRES !

SAM STOURDZÉ
DIRECTEUR DES RENCONTRES D’ARLES

En 2014, Lucien Clergue nous quittait. Il était le photographe arlésien par excellence, généreux promoteur de la photographie, trait d’union entre la France et l’Amérique. En 1974, il convainquait Ansel Adams – monument de la photographie californienne – de se rendre à Arles pour y donner une masterclass. À cette époque, le festival existait depuis quatre ans, s’était construit sur une économie fragile, et peinait chaque année à repartir pour une nouvelle édition. La venue du maître américain s’annonçait de bon augure, et elle séduisit en effet les photographes encore réticents à faire le déplacement jusqu’à Arles. Dès lors, les amateurs comme les grands noms du xxe siècle – Jacques Henri Lartigue, Henri Cartier-Bresson, Gisèle Freund, Manuel Álvarez Bravo, W. Eugene Smith… – se donnèrent rendez-vous dans la cité camarguaise. Progressivement, Arles allait devenir la capitale de la photographie.

En 2016, Michel Tournier disparaît à son tour. Il était l’un des trois mousquetaires, cofondateur avec Lucien Clergue et Jean-Maurice Rouquette, en 1970 des Rencontres photographiques d’Arles. Peu savent que l’auteur de Vendredi ou les limbes du Pacifique ou du Roi des Aulnes animait, du temps de l’ORTF, une émission intitulée La Chambre noire, entièrement consacrée à la photographie. Dans de grands moments de télévision, Michel Tournier et Albert Plécy, rédacteur en chef de Point de vue, image du monde et fin connaisseur de la photographie, partaient pour 52 minutes à la rencontre des grands photographes. Ils se dénommaient Man Ray, André Kertész, Brassaï, Lucien Clergue… Dès la création du festival, la présence de Michel Tournier donna une petite touche parisienne à la manifestation arlésienne.

En 2019, l’année même de la célébration de la 50e édition, Jean-Maurice Rouquette s’est éteint dans sa 88e année. Il était l’Arlésien qui, en duo avec Lucien Clergue, avait façonné l’âme du festival. L’un incarnait un art contemporain – la photographie – dont la reconnaissance restait à conquérir, l’autre défendait le patrimoine d’une ville qui allait obtenir un double classement à l’UNESCO, pour ses patrimoines romain et roman. Visionnaires, bâtisseurs, profondément marqués par les dévastations de la guerre, ils participèrent à leur manière à la reconstruction de la ville, tandis qu’Arles devenait le point de convergence de tous les passionnés de photographie. Ensemble ils avaient eu l’intuition géniale qu’il fallait offrir aux festivaliers une expérience globale, que la découverte de lieux d’exception participerait largement au succès de la visite. En quelques années, ils créèrent une communauté, une famille, proposant d’emblée, à côté des expositions, des projections, des ateliers, des débats et même un safari-photo ! Dès l’origine, ils firent de la reconnaissance institutionnelle de la photographie un acte militant. La première édition se composait de trois expositions manifestes, La Photographie est un art, retraçant l’histoire des grandes expositions consacrées au médium, et deux monographies dédiées à Gjon Mili et Edward Weston, figures historiques de la photographie.

Aujourd’hui, comme un hommage à ces débuts tonitruants, nous recréons l’exposition Weston telle qu’elle fut présentée en 1970 et la faisons dialoguer avec les toutes premières œuvres de Lucien Clergue, dont la minéralité saisissante résonne avec la vision directe et épurée du maître américain. Ce cinquantenaire est par ailleurs l’occasion de commencer un travail de fond sur les archives et la collection de photographies constituées au fil des ans par les Rencontres. En effet, depuis le début, les photographes exposés qui le souhaitaient nous ont laissé des œuvres. En cinquante ans, nous avons constitué un trésor, une collection riche de plus de 3 300 œuvres, précieusement conservée au musée Réattu.

Saisissant l’occasion d’écrire notre histoire, nous avons confié cette mission à Françoise Denoyelle, historienne passionnée de photographie. Elle a conçu deux livres, l’un richement illustré des œuvres de la collection, l’autre plus théorique, racontant par le détail, la grande aventure des Rencontres d’Arles. À leur lecture, on comprend que le projet, initié par trois amis, est allé au-delà de leurs espérances. En quelques décennies, les Rencontres d’Arles sont devenues une institution de référence, à l’indéniable rôle prescripteur, contribuant, selon leur souhait, à la reconnaissance de la photographie.

En l’espace de quelques années, les fondateurs du festival nous ont quittés.

En voulant perpétuer leur esprit de défricheur, nous avons conçu un programme foisonnant afin de célébrer le jubilé d’une aventure qui, en cinquante ans, n’a rien perdu de sa vitalité et de son acuité. Poursuivre l’aventure, c’est résoudre une équation aux paramètres divergents. Comment concilier une ambiance estivale et un esprit joyeux tout en s’imposant comme le moment fort du calendrier de la photographie ? Les enjeux d’hier conservent la même actualité. Arles demeure le lieu où les carrières se lancent, l’endroit des découvertes ou des manifestes, le festival où la manière d’exposer la photographie est sans cesse remise en cause à travers des scénographies audacieuses et les espaces d’expositions les plus inattendus.

Naturellement, donc, tout en racontant cette histoire et en saluant le travail de ceux qui se sont succédé depuis cinquante ans pour prolonger, par leur implication et leur talent, l’âme du festival, nous avons voulu, pour cette édition spéciale, regarder vers demain. Célébrer les cinquante dernières années tout en prospectant pour les cinquante prochaines… Une manière de continuer avec la même exigence notre mission de révélateur de tendances, de découverte de la nouvelle génération. Cette année, en complément de nombreuses expositions historiques – Helen Levitt, Variétés, Photo/Brut, Germaine Krull… –, nous proposons quatre nouvelles séquences qui thématisent le programme : Mon corps est une arme, À la lisière, Habiter et Construire l’image. Autant de thèmes qui portent un regard sur notre monde, celui-là même qui connaît des bouleversements majeurs où bien souvent l’image – comme témoin ou comme actrice – occupe une position centrale.

De l’ancienne Tchécoslovaquie à l’Allemagne communiste, en passant par l’Espagne tout juste libérée de Franco, la photographie façonne les contours d’une contre-culture, où la mise en scène de son quotidien devient une alternative aux modèles dominants, une résistance à l’ordre établi. Exister, résister, photographier, le corps aussi est une arme.

Où est ma maison, où est mon pays ? Les deux séquences suivantes revisitent le thème des frontières et des espaces domestiques, sources d’inspiration intarissables pour les artistes, en phase avec l’actualité. Alors que nous célébrons les trente ans de la chute du mur de Berlin, l’exposition Les Murs du pouvoir nous rappelle que les murs sont toujours d'actualité en Europe. Quant à l’expression « la zone », se souvient-on qu’elle qualifiait la zone militaire de 250 mètres de large autour de Paris ? Une zone inconstructible pour voir arriver l’ennemi qui se peupla progressivement de tous les sans-logis de la capitale. L’exposition La Zone raconte en images cet immense bidonville qui ceinturait Paris.

Nombreux sont les artistes qui aujourd’hui construisent l’image. En effet, une nouvelle génération de photographes donne une forme matérielle à leur installation photographique. À l’instar de Camille Fallet ou de Yann Pocreau qui investissent l’espace, jouent avec la lumière et détournent l’histoire de la photographie.

Parler d’hier, d’aujourd’hui et de demain, explorer sans relâche la photographie, s’engouffrer dans ses zones de friction, là où les artistes révèlent l’indicible : les Rencontres d’Arles n’ont de nouveau pas ménagé leurs forces pour vous livrer un programme ambitieux, éclectique, électrique. Merci à tous ! Merci aux artistes, merci à nos partenaires, merci aux nombreux compagnons du festival, merci à la fantastique équipe des Rencontres, merci à tous ceux qui cette année nous aident à réaliser cette édition démesurée ! Avec 50 expositions pour ses 50 ans, le festival aborde la crise de la cinquantaine avec un peu d’emphase, beaucoup de plaisir et surtout une grande envie de partager avec vous l’énergie débordante qui anime la photographie.

Happy birthday les Rencontres !
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