Édition 2023

Casa Susanna

En 2004, deux antiquaires découvrent trois cent quarante photographies des années 1950 et 1960, sur un marché aux puces de New York. La singularité de ces images tient au fait que les hommes qui y figurent sont travestis en femme et que leur identité féminine est celle de la femme au foyer « respectable », de la fille d’à côté ou de la dame patronnesse. Finis les plumes et le maquillage exagéré du cabaret : ici, juste de parfaites maîtresses de maison dans l’intimité de leur intérieur.
Derrière ces photographies se cache, en réalité, un vaste réseau clandestin d’hommes travestis. Ils sont mariés, bons pères de famille de la classe moyenne blanche américaine. Ils sont ingénieurs, pilotes de ligne ou fonctionnaires dans les agences fédérales. Ils incarnent le rêve américain. Et son cauchemar. Parce que l’Amérique de ces années-là, c’est aussi celle des ségrégations, raciales, sexuelles ou politiques. C’est l’Amérique de la Guerre Froide qui censure, réprime, exclut et traque toutes les désobéissances aux injonctions normatives, des travesti·e·s aux homosexuel·le·s.

Susanna, Virginia, Doris, Fiona, Gail, Felicity, Gloria et leurs amies se sont construites une identité collective singulière et unique. Malgré les risques, elles se sont écrites, rencontrées, structurées en organisation, ont brisé leur isolement grâce à un journal clandestin, Transvestia. Leur Éden, c’est la propriété de Susanna et de sa femme Marie, cachée dans un écrin de verdure des montagnes Catskill, à quelques heures de route de New York. Là-bas, elles peuvent vivre en femme, en toute liberté. La photographie est essentielle à leur pratique du travestisme. Elle circule abondamment au sein de leur communauté, dans une sorte de rituel quasi sacré.

Malgré leur identité féminine désuète, elles ont transgressé les prescriptions de genre de leur époque. Rebelles et tenaces, elles refusent de se soumettre au culte d’une virilité archaïque.
En dépit de sa connotation péjorative actuelle, nous avons choisi d’utiliser le terme de « travesti », par souci de cohérence historique.  En français, nous n’avons pas d’autres mots pour traduire « transvestite » ou « crossdresser », manière dont elles définissaient leur pratique. La plupart des membres du réseau de la Casa Susanna et de l’association formée par Virginia Prince ont toujours distingué leur travestisme d’une transidentité.

Isabelle Bonnet et Sophie Hackett

Commissaires : Isabelle Bonnet et Sophie Hackett.

Exposition coproduite par la Art Gallery of Ontario (AGO), Toronto et les Rencontres d’Arles.

Publication : Isabelle Bonnet, Sophie Hackett, Susan Stryker, Casa Susanna, Éditions Textuel, 2023.

Films : Casa Susanna de Sébastien Lifshitz, en collaboration avec Isabelle Bonnet, coproduction ARTE France, Agat Films et American Experience Films en association avec BBC Storyville, 2022 – 1h37.

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