Quels éléments constituent des preuves dans le cadre d’un crime sexiste ? Qu’avons-nous besoin de « voir » pour croire la parole des femmes ? Souhaitant traiter cette problématique aussi « invisible » qu’omniprésente, Nieves Mingueza transforme les archives pour dévoiler ce qui se produit souvent dans l’espace privé ou ce qui n’entre pas dans le cadre communément admis de la preuve. Une femme sur trois [One in Three Women] s’appuie sur ce chiffre aussi alarmant que familier : une femme sur trois subit des violences sexistes dans sa vie.

Mingueza nous invite à réorienter notre regard en manipulant des images : visages de femmes percés avec rage, mises en situation textuelles tirées de rapports des Nations unies, représentation des espaces intérieurs sous la forme de scènes de crimes et d’objets domestiques servant d’armes afin de perpétrer des actes violents. Et si, au lieu de regarder les femmes, nous examinions l’environnement oppressif qui contrôle leur existence ? Peu importent sa tenue, l’heure qu’il est, de savoir si elle est seule ou dans une foule : elle pourrait être cette femme sur trois. Adoptant la stratégie du recouvrement, Mingueza s’intéresse aux paysages patriarcaux qui surgissent et privent les femmes de leurs identités propres. Si la violence infligée varie par son intensité, elle est toujours le fruit des structures injustes qui lui permettent d’exister.

En s’appuyant sur le lien brisé entre photographie et preuve au fil de l’histoire, ainsi que sur le rapport tendu entre preuve et cas de violences sexistes, la méthodologie de l’artiste révèle la déficience de l’image. Car celle-ci dissimule autant qu’elle rend visible. Cette série nous invite à modifier notre façon de lire et de déchiffrer des archives familiales. Elle repose sur une tension entre les informations dont nous disposons et les récits rendus invisibles ; entre les revendications de justice et l’inadéquation des actions.

Tanvi Mishra