Avec des technologies expérimentales, Vishal Kumaraswamy représente le cheminement du deuil dans le corps humain en mouvement dans l’espace public. Marana [Décès] est l’articulation entre un décès dans la communauté dalit de l’artiste et les pratiques de célébration du deuil. Observant une procession funéraire qui déambule dans les rues, Kumaraswamy s’intéresse à l’attitude de défi de cette formation collective. Celle-ci occupe en effet des espaces publics habituellement gouvernés par les bénéficiaires du système de castes, cette hiérarchie socioculturelle discriminatoire héritée de l’hindouisme et à l’origine de l’oppression des Dalits.

Décès, disparitions forcées et processus de destruction systémiques donnent lieu à des traditions ritualistes. Avec l’aide de deux artistes-interprètes, Kumaraswamy a étudié les mouvements exécutés à cette occasion. Les visuels révèlent l’affaissement et la compression du corps, accablé sous le poids du deuil, tandis que les mouvements de danse répétitifs symbolisent le cycle de la vie et de la mort. Ils livrent une réflexion sur les aspects sonores – le son du parai – et métaphysiques de l’événement. À travers ces processions, le corps dalit est extrait de son isolement quotidien et incarne la puissance du collectif.

À l’aide de scanners 3D et de la photogrammétrie, l’artiste cartographie les mouvements, les transforme en données et les réinterprète sous forme de visuels génératifs, qui proposent une nouvelle représentation du corps dalit et de sa mort. Le corps flotte, en apesanteur dans ce paysage numérique, tout en descendant vers sa dernière demeure. Le torse, où siège souvent la violence liée à la caste, bug de manière répétitive, rappelant les mouvements libres et rythmiques de la procession. En donnant à voir le corps subalterne dans des espaces virtuels, Kumaraswamy envisage une émancipation au-delà de la réalité : il s’agit ici pour l’individu de transcender l’ordre social restrictif, afin d’exercer son agentivité et son autonomie.

Tanvi Mishra