Ici près [Here Near] présente trois projets traitant des nuisances variées qui menacent l’équilibre écologique d’Arles et de ses environs. Depuis 2022, Mathieu Asselin, Tanja Engelberts et Sheng-Wen Lo mènent des recherches sur le terrain – initiées lors de la résidence artistique The Shelter – s’attachant à l’industrie, aux transports, à la vie animale et au réseau de distribution d’eau. Ainsi ces artistes révèlent-ils la manière dont les écosystèmes locaux sont impactés par l’Anthropocène – l’ère géologique en cours, caractérisée par l’accélération des effets de l’activité humaine sur la planète.

Dans La Chasse de la Tarasque [Hunting the Tarasque], Mathieu Asselin étudie l’usine Fibre Excellence, située à une dizaine de kilomètres d’Arles. Spécialisée dans la production de pulpe de papier, l’usine appartient au groupe indonésien Asia Pulp and Paper Group. L’artiste arlésien explore les différents types de pollution générés par le site. Tanja Engelberts s’intéresse au Rhône, transfiguré par l’industrie chimique et les infrastructures hydroélectriques aménagées sur ses berges.

Dans Fleuve mort [Dead River], l’artiste remonte le fleuve jusqu’à sa source, le glacier du Rhône, en Suisse. Le temps qu’il atteigne Arles, le fleuve est interdit à la nage : que lui arrive-t-il en route ? Attention [Watch Out], de Sheng-Wen Lo, aborde la Camargue, le plus grand marais de France, qui abrite quelque 400 espèces différentes. L’artiste propose une réflexion sur le phénomène des animaux écrasés, en hausse constante dû aux véhicules roulant à grande vitesse sur les routes du marais.

Ensemble, ces trois projets soulignent les diverses influences qui contribuent à façonner une réalité dérangeante. Mathieu Asselin aborde la notion de Capitalocène, suggérant que les responsabilités des entreprises sont plus importantes que celles d’un « humain » universel. À l’inverse, Sheng-Wen Lo s’adresse aux citoyens dans leur individualité. Quant à Tanja Engelberts, elle évoque une responsabilité phénoménologique – celle qui consiste à prendre en considération les perspectives d’entités non-humaines. Ici près soulève plusieurs questions : quel est cet endroit ? Quels en sont les acteurs ? Comment un événement survenu en un lieu donné est-il connecté à d’autres processus, situés soit au bout de la route, soit dans un pays voisin, soit de l’autre côté de l’océan ? Il arrive parfois qu’une manifestation éloignée soit plus proche qu’on ne le pense – ou déjà là.

Daria Tuminas