Édition 2007
HEIDI SPECKER
Dans le Jardin
Les arbres vieillissent, mais le béton dure éternellement. Le béton est brut, tandis que les arbres poussent et fleurissent. Avec Heidi Specker, nous sommes Dans le Jardin. Dans un jardin qui ne connaît pas d’horizons. Des troncs et des buissons s’élèvent droit devant les façades. Les biotopes sont résistants à l’idylle, aucun sol ne pourrait servir de point d’ancrage, car Specker reste obstinément à hauteur d’yeux. Si les jardins ont une délimitation, le spectateur se retrouve de toute manière rapidement face à un mur. Surtout dans le jardin urbain. Ici, c’est la fragilité devant le mur : les plantes graciles, en toute vulnérabilité, bravent la pierre, tandis que celle-ci prétend avoir un pouvoir inébranlable. La nature est mise au mur. Mais il ne s’agit pas de victimes de la civilisation, Specker vise l’essentiel. Elle analyse d’un côté les techniques photographiques de la production d’images, et de l’autre, la nature de la matière ainsi que sa réception. Avec tous ses sens, elle s’approche des réalités imperceptibles. Elle palpe les formes et se joint aux fourmis des arbres. Au plus près possible, Specker fusionne les différences entre les objets. Motifs d’écorce et de nœuds, ou bien de fissures dans le béton, Specker entre sur un micro-niveau et rencontre des structures de base. Ainsi dans la matière première elle naturalise le béton et réconcilie son artificialité avec la nature. Tout est Un.
Elle contourne les jugements et la question de la poule et de l’œuf, en agissant dans la dialectique même. Des considérations banales ont tout de même leur intérêt : qu’est-ce qui perdure plus longtemps : la génétique des branches ou le béton ? Que signifie « vie urbaine » ? Que veut dire « nature » ?
Mais Specker ne s’arrête pas là, elle emmène le spectateur sur des routes codées. Rendant abstrait le jardin urbain, elle piste les matrices, la formule universelle ou bien l’âme de la matière. Qu’il s’agisse d’ornements de pierres poreuses, de blocs monolithiques d’une parfaite neutralité structurelle, ou d’ailantes balancés par le vent, d’un bouleau signifiant la petite bourgeoisie, ou d’une montagne en granite surmontée d’une hélice extraterrestre ; la nature apprivoisée correspond au monde stérile d’une perception orientée vers l’objectivité. Dans les doubles structures des interstices enrichis de végétaux, Specker met à découvert avec une grande précision des formules générales. Elle fait muter les codes-modèles de façon expérimentale et narrative. Elle défie l’ordre trouvé à travers une aliénation. L’éclairage est parfois radicalement absurde. Puis, les couleurs, elles, viennent avec puissance : les arbres dessinent une surface étendue, de couleurs chatoyantes et saturées, absorbant l’arrière-plan par une profondeur schizophrène irréelle qui éblouit. Les éléments de troncs d’arbres sont isolés, comme mis au jour par un scalpel. Par manque d’appui, l’ultime bilan de la matière est la stérilité, une sorte de punition. Heidi Specker la suit en se dirigeant vers l’essence de la vie. Ce sont les motifs qui confèrent un soutien poétique et inspirateur : de l’écorce en correspondance avec du béton. Bien que leur relation soit comme celle de l’eau par rapport à l’huile, des logiques ontologiques apparaissent. Des logiques que Specker renforce par les arrière-plans aveugles. Elle observe, pour ainsi dire par un rétroviseur, d’une manière particulière et détaillée, afin d’apprivoiser le rebelle. Specker célèbre une contemplation de l’Urbain.
Matthias Groll
Elle contourne les jugements et la question de la poule et de l’œuf, en agissant dans la dialectique même. Des considérations banales ont tout de même leur intérêt : qu’est-ce qui perdure plus longtemps : la génétique des branches ou le béton ? Que signifie « vie urbaine » ? Que veut dire « nature » ?
Mais Specker ne s’arrête pas là, elle emmène le spectateur sur des routes codées. Rendant abstrait le jardin urbain, elle piste les matrices, la formule universelle ou bien l’âme de la matière. Qu’il s’agisse d’ornements de pierres poreuses, de blocs monolithiques d’une parfaite neutralité structurelle, ou d’ailantes balancés par le vent, d’un bouleau signifiant la petite bourgeoisie, ou d’une montagne en granite surmontée d’une hélice extraterrestre ; la nature apprivoisée correspond au monde stérile d’une perception orientée vers l’objectivité. Dans les doubles structures des interstices enrichis de végétaux, Specker met à découvert avec une grande précision des formules générales. Elle fait muter les codes-modèles de façon expérimentale et narrative. Elle défie l’ordre trouvé à travers une aliénation. L’éclairage est parfois radicalement absurde. Puis, les couleurs, elles, viennent avec puissance : les arbres dessinent une surface étendue, de couleurs chatoyantes et saturées, absorbant l’arrière-plan par une profondeur schizophrène irréelle qui éblouit. Les éléments de troncs d’arbres sont isolés, comme mis au jour par un scalpel. Par manque d’appui, l’ultime bilan de la matière est la stérilité, une sorte de punition. Heidi Specker la suit en se dirigeant vers l’essence de la vie. Ce sont les motifs qui confèrent un soutien poétique et inspirateur : de l’écorce en correspondance avec du béton. Bien que leur relation soit comme celle de l’eau par rapport à l’huile, des logiques ontologiques apparaissent. Des logiques que Specker renforce par les arrière-plans aveugles. Elle observe, pour ainsi dire par un rétroviseur, d’une manière particulière et détaillée, afin d’apprivoiser le rebelle. Specker célèbre une contemplation de l’Urbain.
Matthias Groll
Exposition organisée avec la collaboration de la galerie Barbara Thumm, Berlin.