Édition 2007
JOSEPH MILLS
Les photographies de Joe Mills se dérobent à mes tentatives d’explication ou de catégorisation. Je cherche les mots pour décrire l’art de quelqu’un dont les images sont intentionnellement très difficiles à décrire. Leurs significations reposent sur des espaces que nous ne pouvons voir, des espaces qui sont créés par la tension entre les éléments que nous pouvons décrire. Ainsi, ils sont plus proches de la poésie que du récit. Pratiquant la photographie depuis ses 16 ans, publiant et exposant depuis près de 40 ans, Mills a produit trois séries distinctes mais étroitement liées : les photomontages / collages surréels, pour lesquels il est le plus connu ; son aventure amoureuse avec sa femme, Mary Del Popolo, poursuivie à travers la photographie et un ensemble caustique de clichés de rue en noir et blanc, Inner City (quartiers déshérités des centres-villes). La sélection pour les Rencontres d’Arles appartient au travail de photomontage / collage de l’artiste. Mills réalise son premier collage à 19 ans, mais la série démarre vraiment en 1983, quand il photographie un collage ancien qui se détériore pour en conserver la trace (la photographie d’un collage est appelée photomontage). Mills aime la manière dont le procédé transforme la texture mixte du collage en une uniforme surface lisse de papier photographique, ce dernier agissant subversivement pour imiter puis saper la directe photographie documentaire traditionnelle. Cette caractéristique, alliée à la superbe technique de Mills, réunit, de manière convaincante, les pièces disparates du collage d’origine. Les photomontages de Mills vacillent entre ce qui est perçu comme réel et ce qui est une « plus grande réalité ».
Avec les photomontages, il utilise des techniques pour nous convaincre que l’irréel est réel. Les images inventées de Mills remplacent la « réalité » par une « irréalité » qui prend son origine dans son esprit, ou le nôtre. Nous, les spectateurs, ne voulons sans doute pas que les sujets soient réels car les images présentent des moments vraiment horribles. Dans l’une, une femme au visage de chien embrasse un vieillard au corps d’enfant tandis que le « chien » aide l’enfant à s’habiller. Dans une autre, un parasite surgit de la blessure au cou qu’un homme s’est faite en se rasant. D’ordinaires rituels quotidiens sont soudain transformés par nos pires effrois. La réalité est hors de tout contrôle. Les peurs que généralement nous étouffons pourraient ne pas être sans fondement. La vraie réalité des images est telle que les scènes créées évoquent un moment émotionnel auquel nous nous connectons au plus profond de nous. Et ce moment peut nous rappeler des choses dont nous ne souhaitons pas nous souvenir. Le succès de ces images repose sur le fait qu’elles sont juste suffisamment ancrées dans la réalité pour nous placer à la frange entre réalité et irréalité. Alors que nous refusons que ce soit réel, cela semble tellement sans heurts, réel et attirant. Les photomontages existent de manière précaire aux frontières de l’horreur et de la beauté. Avec les collages, il rassemble un large ensemble de formes de différentes provenances laissant le hasard suggérer quelle synthèse apportera avec elle une image totalement nouvelle. « Dans toutes les techniques que j’ai abordées, dit-il, j’ai toujours cherché ce qui n’était pas déjà en moi (1)». Il cherchait quelque chose dont il ignorait la présence en lui, et il l’a trouvé. Comme le poète Seamus Heaney l’a écrit à propos de son propre processus, Mills part confronter sa propre vacuité. Faire entrer le dehors guide vers l’intérieur des exhumations qui sont à leur tour mises en avant pour que nous fassions nos propres découvertes.
Anne Tucker.
Extrait du livre Inner City, Nazareli Press, 2003.
1. Colby Caldwell, The unique Vision of Joe Mills,
the Washington Review, octobre-novembre 1997, page 4.
Avec les photomontages, il utilise des techniques pour nous convaincre que l’irréel est réel. Les images inventées de Mills remplacent la « réalité » par une « irréalité » qui prend son origine dans son esprit, ou le nôtre. Nous, les spectateurs, ne voulons sans doute pas que les sujets soient réels car les images présentent des moments vraiment horribles. Dans l’une, une femme au visage de chien embrasse un vieillard au corps d’enfant tandis que le « chien » aide l’enfant à s’habiller. Dans une autre, un parasite surgit de la blessure au cou qu’un homme s’est faite en se rasant. D’ordinaires rituels quotidiens sont soudain transformés par nos pires effrois. La réalité est hors de tout contrôle. Les peurs que généralement nous étouffons pourraient ne pas être sans fondement. La vraie réalité des images est telle que les scènes créées évoquent un moment émotionnel auquel nous nous connectons au plus profond de nous. Et ce moment peut nous rappeler des choses dont nous ne souhaitons pas nous souvenir. Le succès de ces images repose sur le fait qu’elles sont juste suffisamment ancrées dans la réalité pour nous placer à la frange entre réalité et irréalité. Alors que nous refusons que ce soit réel, cela semble tellement sans heurts, réel et attirant. Les photomontages existent de manière précaire aux frontières de l’horreur et de la beauté. Avec les collages, il rassemble un large ensemble de formes de différentes provenances laissant le hasard suggérer quelle synthèse apportera avec elle une image totalement nouvelle. « Dans toutes les techniques que j’ai abordées, dit-il, j’ai toujours cherché ce qui n’était pas déjà en moi (1)». Il cherchait quelque chose dont il ignorait la présence en lui, et il l’a trouvé. Comme le poète Seamus Heaney l’a écrit à propos de son propre processus, Mills part confronter sa propre vacuité. Faire entrer le dehors guide vers l’intérieur des exhumations qui sont à leur tour mises en avant pour que nous fassions nos propres découvertes.
Anne Tucker.
Extrait du livre Inner City, Nazareli Press, 2003.
1. Colby Caldwell, The unique Vision of Joe Mills,
the Washington Review, octobre-novembre 1997, page 4.
Exposition organisée avec la collaboration de Hemphill, Washington DC.